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samedi 22 décembre 2012

Agacement mécanique

Agacé, amusé ou simplement déconcerté par ce qu’il voit, lit ou entend, Olivier Hervy aime traquer puis démonter l’anomalie, l’évidence, la logique déplacée, les doubles sens, les lieux communs si communs ou les légers déraillements du vocabulaire qui se présentent à lui (et à nous) tous les jours ou presque. Il les saisit et les détache un instant de ce quotidien auquel ils ne cessent d’appartenir. Il les polit et y ajoute son grain de sel. Il a ainsi accumulé nombre d’aphorismes, de notes et de réflexions qui s’enchaînent en continu tout au long de cet ensemble très tonique.

« "Un temps de saison !", me dit mon vieux voisin qui a toujours une phrase de circonstance. »

« C’est parce qu’il est souple que cet équilibriste sur ses échasses a une démarche raide. »

« On vient de retirer son agrément à cette assistante maternelle qui avait un pitbull dans son appartement. Le fait qu’elle ne comprenne ni n’accepte la décision de la commission la justifie. »

À coups de notes concises, pleines de bon sens, de vérité ou de malice, placées sous le signe de l’écoute et de l’observation, il coupe au plus court et détecte les travers de tout un chacun sans pour autant s’épargner.

« "Dis que tu viens de ma part !", m’avait conseillé le déplaisant P., si bien qu’à présent je me trouve sur une petite table coincée entre la porte d’entrée et celle des toilettes devant une assiette froide. »

« "Je préfère ce que tout le monde n’aime pas", me dit cet ami en mangeant le cou du lapin, avant que je ne réalise qu’il est le seul à me rendre souvent visite. »

Son sens du bref et du contrepoint ne laisse rien passer.

« Une coulée de boue a fait plus de deux cents morts au Nicaragua, une autre ici bloque une ligne de train. Les usagers sont furieux. »

Efficace, conciliant, incorrect ou cinglant, il vise juste et ne s’attarde jamais outre mesure sur les faits et gestes de ceux qui l’entourent. Il se sait, lui aussi, de temps à autre, pris dans la nasse, en bonne ou moins bonne compagnie, bien obligé d’égayer ou de gâcher, selon l’humeur et les circonstances, son état d’esprit du moment.

« C’est quand l’ambulance roule lentement avec son gyrophare allumé mais sans sa sirène que l’urgence semble la plus réelle. »

« Elle me dit qu’hier elle a fait piquer son chien. Il était malade, sentait mauvais, mordait les enfants. C’est un brise-coeur, ajoute-t-elle. »

« "Mais où vas-tu chercher tout cela ?", me demande cette jeune cousine avec piercing sur la langue et semelles compensées. »

Olivier Hervy : Agacement mécanique, L’Arbre vengeur.