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lundi 4 mars 2013

Des figures

En haut de chacun des poèmes constituant Des figures, Bruno Fern a simplement placé une syllabe. Celle-ci peut parfois être un mot à elle seule (« beau », « fou », « né », « trou »...) Elle n’agit pas uniquement en tant que titre. Sa fonction s’avère plus vaste. C’est un déclic, un starter, un déclencheur, un outil offert au lecteur qui, s’il accepte de jouer le jeu en accolant cette syllabe au premier mot de la plupart des vers qui suivent, élargira singulièrement son champ de lecture.

« Pan

telant sous les mains battantes
dans sa gueule d’ange accroché par le
talon qui demeure la seule zone indemne à l’examen
du haut vers le bas et gardant malgré ça forme et voix humaines le tout en un
sable poussière où retourner était pourtant garanti depuis le départ »

S’il ne parvient pas à (ou ne veut pas) garder en permanence la syllabe en question sous la langue, (son usage n’étant pas systématique), le lecteur ne s’en trouve pas pour autant relégué hors du poème. Bien au contraire : l’égarement qui s’en suit étonne et chaque texte, chaque figure imposée réussit, même amputée de quelques pieds, à bouger en s’inventant une autre forme et en cultivant un équilibre opportunément bancal.

« Fin

du monde faut pas exagérer c’est plutôt
en soi que ça se déroule dans un périmètre restreint à force
de non recevoir sachant qu’il n’est pas prévu un
mot de l’histoire qui aurait l’air
d’être le dernier plus que les autres en réalité c’est extra
ce qui signifie à l’origine en dehors entre la 1ère et la 3ème personne
Landais de souche ou pas n’y change que dalle
tant la passe c’est juste un coup à prendre la tangente »

Mêlant expressions usuelles, citations de poètes (Apollinaire, Zanzotto, Mallarmé...) et infos entendues au coin d’un trottoir, au hasard d’une revue de presse ou lors d’une conversation privée, Bruno Fern met assez d’humour et de distance entre lui (et les autres) et ses poèmes pour que ceux-ci, grâce à la contrainte qu’il s’est donné, jouent en permanence à l’élastique entre tension et relâchement, restant à hauteur de la réalité et du quotidien, y compris quand ils les saisit à ras de terre. Il agit de même envers la poésie en ne la plaçant jamais sur un piédestal. Son rôle est ailleurs. Plus en bas, dans le vif, avec les anonymes. Qu’il côtoie, qu’il écoute et dont il raccorde les propos avec justesse et légèreté, glissant en un éclair du versant ludique à l’aspect sérieux d’un petit monde que tout un chacun s’évertue à organiser (question d’équilibre) autour de soi.

« Dis

simuler n’avance pas à grand-chose
qu’as-tu fait toi que voilà pliant sans trêve
cible plutôt vise-la
solution en cours »

Bruno Fern : Des figures, éditions de l’attente.