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vendredi 24 octobre 2014

Sahara Iroise

 
« Lumières attardées / dans quelques maisons // dernières braises / dans l'âtre des rires // qui déroutent la solitude »
                                                                                 Alain Le Beuze, Ouessant

C'est l'heure où les phares du Stiff, de la Jument, de Nividic, de Kereon et du Créac'h s'assemblent et broient tout le noir alentour pour traverser puis cisailler d'une simple lame rouge, jaune ou blanche des murs de brumes ou de pluies serrées. Ils jettent les feux de leur lanterne au-delà de la ligne d'horizon, loin, de part et d'autre de ce rail invisible conçu pour guider les cargos, pétroliers et porte-conteneurs qui viennent ou s'en retournent, certains du Panama ou de mer de Chine, d'autres de New York ou de Singapour. Tous ont coché sur leur feuille de route une escale rapide (chargement / déchargement) dans les parages, près des docks illuminés de Rotterdam, de Hambourg ou de Valence …
C'est aussi l'heure où d'autres lumières clignotent au ras de l'eau, ricochant sur les premières vagues avant de se perdre dans des rouleaux d'écume. Certains disent que ces petits braseros à la mèche si vite éteinte sortent des amas de bois et de ferraille rongés qui jalonnent le pourtour de l'île. Il y a dans leurs mots, entrecoupés de longs silences, durant lesquels ils boivent un dernier verre ou rallument un mégot qui dure, des noms de disparus, proches ou lointains qui, selon eux, reviennent du fond des mers vriller à leur façon la mémoire poreuse de ceux qui ont failli en ne prenant pas la peine de détacher un canot pour descendre, en leur honneur, un casier lesté, comprenant une bourriche d'huîtres accompagnée d'un litre de muscadet de Sèvres et Maine, à l'endroit même où, dans les remous et les courants contraires, leur bateau a chaviré puis coulé, par gros temps, il y a dix, vingt ou cent ans. 
 
"Sahara Iroise est un livre où les voix se mêlent mais surtout se répondent. Quand j'ai soumis le projet à Jacques Josse (poète et prosateur), Alain Le Beuze (poète) et Maya Mémin (artiste), l'idée s'imposa que les trois voix devaient créer leur ligne en co-résonance, en tout cas jaillir ensemble. Chacun joue et écrit sa partie, et le but est cette friction d'imaginaires, sorte de cadavre exquis à trois têtes, de marée à trois mouvements." Alain Le Saux
 
Sahara Iroise, Alain Le Beuze, Jacques Josse, Maya Mémin, éditions S'emmêler, 17 € l'exemplaire (chèque à libeller au nom de l'association Verticale, 137 rue Robespierre, 29200 Brest. Contact : diascorn.kathy9@gmail.com ou ale-saux@orange.fr


mardi 15 février 2011

CruciFiction

Après la parution de Aucune fiction, (Wigwam,1992) Alain Le Saux s'était fait très discret. Le  silence de ce poète qui aime tant l'ombre, l'écart et la patience, a néanmoins fini  par se rompre, et c'est heureux, avec la sortie, au cours de l'été 2008, de CruciFiction, premier titre des éditions Les Hauts-Fonds. L'ensemble court sur plusieurs années (de 1989 à 2002). Il est construit par séquences,  en suivant différents lieux de résidence, entre Brest et Paris avec détours plus brefs mais tout aussi décisifs  en des ailleurs non précisés mais suggérés.

« Des os on fait
des flûtes musicales -

On y est pour quelqu'un
quand le rêve pétrit
à distance ses moraines

On sonne sa langue On défraye le vent
On dort près des urnes chaudes
proches des joues du borderline. »

Alain Le Saux emprunte des itinéraires chauds et sinueux. Des chemins de traverse pour aller de la mer à la ville mais également de soi à soi en passant par les autres, leurs paysages intimes, leurs façons si particulières de les donner (souvent sans s'en rendre compte) à celui (lui) qui sait les prendre, les filtrer et les recycler en leur transmettant la dose d'énergie qui leur manquait.

« Sur ce cliché ils sourient

La lune crisse ses dentelles Eux rêvent
un sang tellurique

Avant de s'évanouir dans la gelée des parcs. »

Livre vif, aux aguets, en bel équilibre sur un fil tendu au-dessus de la ville et de ses rues animées où vaquent flâneurs, agités et curieux portant, tous, cet invisible fardeau qui leur fait baisser la tête.

Alain Le Saux : CruciFiction, éditions Les Hauts-Fonds, 22 rue Kérivin – 29200 Brest.