mercredi 23 août 2017

Voltige !

Ses mots s’offrent à l’air libre. Au vent, à la luminosité ambiante, aux tremblements des blés et des feuillages. Aux bruits qui disent les vies presque invisibles qui respirent tout autour. Ils se donnent aux pétales, à la craie, au silex et à la poussière. Et n’hésitent pas à se frotter, instinctivement, syllabes contre syllabes, pour produire des associations (sonores et sensuelles) capables d’exprimer par touches, par éclats, ce que ressent celle qui s’exprime ici.

« Petites entailles, sol sec,
fines poussières collées à nos rires.
L’aurore est arrivée.

Retard, toute la nuit passée,
chant (coq ivre), sais-tu
remonter l’aiguille des pentes vives ?

Veux-tu, pour un coquelicot,
remonter le jour ? »

Le coquelicot qu’Isabelle Lévesque évoque régulièrement dans ses poèmes est bien plus que la fleur sauvage et fragile dont la couleur rouge éclate sur champ doré. Son symbole est plus secret. Et touche à l’intime effleuré, défloré qui ne parle qu’à demi-mots.

« J’ignorais caresse boutons d’or
pudeur -. Tu pris mes lèvres fleurs,
cueillis ma vie passée. Simple.

Caresse du jour. Le sol tremblait,
Chaleur été canicule allongés.
La pente, gouttes perlées
sueur abreuve. »

Ce qui s’invente (et vole, voltige), suivant page à page "l’arc des mots", est subtil, ciselé, suggéré. Il y a clarté, légèreté mais aussi passion, amour, tourments. C’est la mémoire, elle qui relie si bien sensualité et instants troublés dans un décor bruissant de vie, qui assemble ces bribes et ces scènes qui furent haletantes et intenses. Cela se passe dans le secret d’un livre lumineux qui étonne, détonne. Un livre où l’on peut, comme le dit très justement Françoise Ascal dans sa postface, « accepter l’inévitable sans renoncer à frôler l’extase ».

Isabelle Lévesque : Voltige !, peintures de Colette Deblé, postface de Françoise Ascal, éditions L’herbe qui tremble.

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